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Rhinoplastie Ethnique

RHINOPLASTIE ETHNIQUE

Quand l’esthétique est l’ethique du dehors

Docteur Patrick Knipper / www.knipper.fr

La rhinoplastie ethnique appartient à ces sujets frontières entre la chirurgie, l’esthétique, l’éthique, la sociologie et l’anthropologie. Déjà dans l’approche esthétique de la rhinoplastie se pose la question des limites voire de la finalité thérapeutique de l’acte de chirurgie. La dimension ethnique d’une rhinoplastie nous interroge sur l’éthique de l’intervention devant une demande qui reste souvent intime.

La rhinoplastie nous interroge sur l’esthétique : pourquoi veut-il changer la forme de son nez ? La rhinoplastie ethnique nous interroge sur l’éthique : est-il bien de modifier la forme de son nez ?

Nous allons essayer, dans cet article, de répondre à trois interrogations :

– la rhinoplastie est-elle fonctionnelle et/ou esthétique ?

– la rhinoplastie esthétique est-elle thérapeutique ?

– la rhinoplastie ethnique peut-elle être éthique ?

Nous vous présenterons, pour finir et selon notre expérience, les demandes de rhinoplasties ethniques dans notre pratique quotidienne à Paris.

1 / rhinoplastie : fonction et/ou esthétique ?

La rhinoplastie, comme son nom l’indique, est une plastie du nez. Mais de quel nez parlons-nous ? Il y a le nez du dedans et le nez du dehors.

Le nez du dedans est avant tout un organe fonctionnel doté de plusieurs fonctions: passage de l’air, filtration, réchauffement de l’air inspiré et perception des odeurs. C’est un véritable organe. L’intervention sur cette fonction sera qualifiée de fonctionnelle. Elle vise généralement à rétablir une ou plusieurs altérations du nez comme, par exemple, la correction d’une déviation de la cloison nasale qui entrave la respiration. On parlera alors de septoplastie. En aucun cas, nous ne pourrions qualifier d’esthétique cette version de la rhinoplastie. Et encore ! Une septo-rhinoplastie qui reconstruit la fonction nasale après un accident ou une grosse déformation de la pyramide nasale peut intervenir sur la forme extérieure du nez en modifiant la forme des os et avoir par conséquent une dimension esthétique. Il s’agit d’un cas précis où l’esthétique peut être associée au fonctionnel en toute harmonie. Les deux convergent dans le même sens : je rectifie le nez pour que le patient respire mieux et, en même temps, je fais un nez plus joli puisqu’il sera plus droit. On ne peut parler de fonction esthétique comme pour une intervention sur la main mais les termes « fonction » et « esthétique » sont ici indissociables.

Le nez du dehors supporte la dimension plastique du nez. Sa modification a un retentissement sur l’esthétique puisqu’elle modifie sa forme. On parle de rhinoplastie. Ici, le changement esthétique du nez touche l’extérieur du nez et ne modifie pas en théorie la respiration. La finalité du geste chirurgical est simplement esthétique et non fonctionnelle au sens propre du terme. En revanche nous pourrions évoquer ici pour la rhinoplastie, et par analogie, la notion de « fonction esthétique » décrite par le Dr R Vilain et que les chirurgiens de la main connaissent bien. Nous pourrions comparer le nez du dehors à la face dorsale de la main. Cette face dorsale de la main est la face sociale. C’est elle que l’on voit. Une lésion du dos de la main est visible et une altération de cette face aura un fort retentissement social. C’est la même chose pour le nez. Le nez du dehors est la face sociale du nez. Ne dit-on pas « comme une nez au milieu de la figure ». Toute atteinte, toute lésion, toute disgrâce sera visible et elle aura un fort retentissement sur la vie quotidienne. Il suffit d’avoir rencontré une jeune femme dotée d’un très fort appendice nasal et souffrant vraiment de cette défaveur. Il suffit simplement, et sans faire trop de philosophie, d’observer une souffrance réelle d’un patient et de le voir heureux après une simple intervention chirurgicale correctrice que la finalité de cette correction soit fonctionnelle ou esthétique. Je ne parle pas de la demande frivole d’une demande esthétique superflue qui sort de notre champ d’action de médecin qui soigne !

Sur cette conception de fonction esthétique de la rhinoplastie, nous pensons sincèrement que la rhinoplastie peut être fonctionnelle, esthétique et/ou les deux à la fois. Surtout, nous croyons à la fonction esthétique de la rhinoplastie comme nous avons cru à la fonction esthétique dans la chirurgie de la main. Pour qu’un patient utilise normalement sa main reconstruite après un accident il faut que cette main soit également présentable pour ne pas dire normale voire belle. C’est la même chose pour la rhinoplastie ; pour qu’un patient soit (ou se sente) guérit après une rhinoplastie (même dans le cadre d’une rhinoplastie fonctionnelle) il faut que le résultat soit beau pour qu’il puisse présenter son visage à l’autre sans embarras. C’est cela la fonction esthétique : rendre utile une fonction par une esthétique retrouvée.

2 / La rhinoplastie esthétique est-elle thérapeutique ?

Le débat aujourd’hui sur la dimension thérapeutique de la chirurgie esthétique est actualisé par la mise en place d’une TVA sur les actes de chirurgie esthétique. Cela concerne également la rhinoplastie esthétique. Cette TVA est imposée parce que les actes de chirurgie esthétique ne seraient pas thérapeutiques. Dans notre pays, un acte est thérapeutique s’il est pris en charge par la sécurité sociale ! Donc, le seul critère pour qu’un acte chirurgical soit thérapeutique est le fait d’être pris en charge ou non par la caisse primaire d’assurance maladie. Je vous vois sourire ! Moi, je pleure… pour la médecine, pour nos maîtres anciens et pour les patients…

Nous avons donc à démontrer qu’une rhinoplastie esthétique peut être thérapeutique. Pour cela, nous préférons inverser les rôles.

En effet, aujourd’hui, être « thérapeutique » ou pas est décidée par l’acteur payeur : la caisse primaire d’assurance maladie. Cela est compréhensible puisque celui qui « paye » (la CPAM) veut savoir pourquoi il paye et son intérêt (plus ou moins avoué) est de payer le moins possible. Donc pourquoi rembourser un acte de chirurgie qui semble superflu et non vital pour celui qui ne se sent pas concerné ou qui n’a jamais connu ce genre de souffrance ? Il convient alors de le qualifier de non thérapeutique pour l’exclure de la prise en charge. Au passage, rappelons qu’il s’agit quand même d’un mauvais payeur puisque les honoraires chirurgicaux que la caisse primaire verse au chirurgien pour une intervention n’ont pas augmenté depuis 25 ans. Imaginez une autre profession en France où les salaires n’auraient pas évolué depuis autant d’années !

Le médecin se permet lui aussi de qualifier un acte de thérapeutique ou pas en fonction de son vécu, de son expérience, de sa propre formation ou tout simplement de son émotion. Cela est compréhensible puisque celui qui soigne veut savoir ce qu’il fait et, naturellement, il essaye de justifier son acte par une finalité qu’il voudrait thérapeutique. Autant nous pardonnons les fonctionnaires de la CPAM parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, autant l’appréciation de la part de certains de nos collègues médecins semble surprenante. En effet, dans beaucoup d’autres spécialités, médicales et chirurgicales, tous les actes sont qualifiés de thérapeutiques alors que la vraie finalité de certains actes reste parfois à définir. Par exemple, un médecin généraliste qui renouvelle une ordonnance en cinq minutes et qui facture une consultation fait un acte thérapeutique puisqu’elle est pris en charge par la sécurité sociale… Un praticien qui reçoit un patient pour simplement l’écouter et le rassurer facture une consultation ; elle est thérapeutique puisqu’elle est prise en charge par la sécurité sociale. Un orthopédiste qui met une prothèse de hanche à une personne âgée qui ne fait plus que quelques mètres dans sa chambre fait un acte thérapeutique puisque c’est pris en charge par la sécurité sociale… Un urologue qui, au cours d’une cystoscopie (regarde dans la vessie avec une caméra) fait systématiquement une biopsie (prélève un petit bout de muqueuse) réalise un acte thérapeutique puisque cela est pris en charge par la sécurité sociale… Nous pourrions citer des centaines d’autres exemples où la finalité thérapeutique réelle de l’acte médical pratiqué serait à discuter… On voit bien que si l’on devait remettre en question les indications dans notre profession médicale, cela permettrait de modérer le mépris que certains professionnels observent à l’encontre de la chirurgie esthétique. Nous sommes sincèrement convaincus que certaines rhinoplasties esthétiques peuvent avoir plus d’effets bénéfiques et thérapeutiques que certaines prescriptions médicamenteuses ou que certains actes de chirurgie dans beaucoup d’autres spécialités. Nous ne sommes pas persuadés, par exemple, que toutes les prothèses du genou posées en France aient toute eu un vrai effet thérapeutique et pourtant elles sont prises en charge par la CPAM. A l’opposé, nous n’adhérons pas au concept de la femme poisson (lèvre exubérante), trop liftée (yeux de chat), et parfois luisante (brulée par le laser) ou de la « Bimbo » que l’on observe sur certains plateaux télévisés… Mais nous sommes toujours surpris, chaque fois que la chirurgie esthétique est évoquée, que l’on parle toujours de ces 10 % de patients dysmorphopathes et jamais des 90 % de patients normaux qui font une demande cohérente et qui présente un résultat harmonieux. Quand on parle de chirurgie en général, on n’évoque pas systématiquement le fait que 10 % des patients sortent de l’hôpital avec une infection nosocomiale ! Mais ça, c’est normal !

Nous proposons, donc, de ne pas remettre en cause les indications d’un acte médical, qu’il soit qualifié de thérapeutique ou non, mais nous proposons d’aborder la problématique avec le point de vue du patient. C’est pour nous la solution. Aujourd’hui, notre médecine est extraordinaire mais elle exclue trop souvent le patient de sa démarche thérapeutique. La médecine dite moderne a suivi la « mécanisation » du corps engendrée par Descartes. L’effet positif a été d’appréhender le corps par plusieurs petits bouts permettant d’affiner l’anatomie de chaque partie, d’améliorer la connaissance des différentes fonctions et de traiter plus précisément une pathologie spécifique. Nous en bénéficions tous quotidiennement. En effet, quand on a un problème de respiration, on désire être pris en charge par « le spécialiste » de la respiration et si une intervention chirurgicale est programmée, notre souhait est d’être opéré par le « top » chirurgien spécialiste du nez. A ce moment-là, le concept de prise en charge globale du patient semble secondaire; le plus important pour le patient étant passagèrement d’être pris en charge par le meilleur spécialiste de la rhinoplastie. D’un autre côté, le fait de « saucissonner » le corps pour mieux le soigner nous a fait oublier le patient dans sa globalité. La médecine d’aujourd’hui ne prend plus en charge le patient en totalité. De surcroit, elle lui arrive de soustraire au patient sa maladie, sa douleur, son traitement et parfois le choix de son traitement. Il est vrai que, récemment, on revient sur une prise en charge plus complète et que l’on accorde de plus en plus d’importance au patient. Il est vrai que l’information du patient est redevenue à la mode mais informer ne signifie pas obligatoirement partager ! Tout cela pour dire que malgré les efforts fournis, la demande du patient n’est pas souvent prise en considération. Dans le propos qui nous occupe dans cet article, la finalité de l’intervention n’est pas considérée. La vraie finalité d’une demande chirurgicale n’intervient pas dans le processus thérapeutique. Seul le médecin ou la CPAM décide de la finalité d’une intervention. Le médecin décide si la finalité est esthétique ou réparatrice et la CPAM décide si le but d’un acte médical est thérapeutique ou non ! Hors, en réalité, seul le patient sent si sa demande est thérapeutique ou non et si son intervention a une finalité esthétique ou pas ! Voici deux exemples précis qui expliciteront ce propos :

– 1) Concernant le choix du patient : dans le « syndrome de glissement », le patient a décidé de ne pas guérir, de ne plus lutter contre la maladie ; il se laisse mourir et tout acharnement thérapeutique restera inefficace. C’est le patient qui décide…

– 2) Concernant la finalité esthétique : dans la reconstruction mammaire, quand une patiente a été opéré d’un cancer du sein et qu’elle procède à une reconstruction de son sein amputé, quelle est la finalité de sa demande : esthétique ou réparatrice ? La réalité est que la patiente désire au plus profond d’elle retrouver son sein d’avant c’est-à-dire un sein normal voire beau. On entend trop souvent ces patientes nous dire : « docteur, faite-moi un beau sein ! » Mais le chirurgien plasticien sait qu’en faisant un sein esthétique il répare quelque chose chez cette patiente amputée ; la chirurgie plastique c’est aussi reconstruire l’esthétique. L’esthétique est reconstructrice et, donc, thérapeutique que la sécu le veuille ou non ! Ceux ne sont pas des fonctionnaires d’un ministère quelconque qui décideront si un acte médical est thérapeutique ou pas et s’il a une finalité esthétique ou pas. Seul le patient sait ce qu’il veut et ce que l’acte médical a produit chez lui. D’ailleurs, c’est un peu cela « le soin » : apporter au patient ce qu’il veut, ce qui lui fait du bien…

 

Pour conclure sur ce chapitre, nous dirons que la chirurgie esthétique est thérapeutique car elle apporte un soin au patient et que ce n’est pas à nous de décider ce qui est un soin ou ce qui est thérapeutique pour le patient. Le problème de la TVA doit être dissocié des doctrines de la caisse primaire d’assurance maladie. Mettre une TVA sur un acte soin parce qu’il n’est pas thérapeutique relève d’un choix de société. Mais dire qu’un acte n’est pas thérapeutique parce qu’il n’est pas prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie est inacceptable pour le patient et pour les médecins qui soignent….

3 / la rhinoplastie ethnique peut-elle etre ethique ?

Cette question appelle immédiatement deux précisions: qu’est-ce qu’une rhinoplastie ethnique et qu’est-ce l’éthique en chirurgie esthétique ?

1- Rhinoplastie ethnique :

Suivant les origines, on observe certaines caractéristiques morphologiques du nez. On parle de caractéristiques ethniques. En fait, le terme « ethnique » reste impropre puisque la morphologie particulière ne fait pas référence à une ethnie au sens propre du terme mais à une origine. Pour être didactique ici, nous dirons « d’origine africaine » mais là aussi les choses ne sont pas simples. En effet, l’Afrique est grande et il existe une grande différence entre un nez soudanais et un nez congolais ! Pour résumer, nous emploierons les expressions « d’origine » ou « de type » africain, asiatique, maghrébine et caucasienne parce que la morphologie du nez présente quand même une certaine spécificité dans chaque cas…

La vraie finalité de toute thérapeutique doit être la guérison du patient et, cela, même en chirurgie esthétique. Mais qu’en est-il de la vraie guérison du patient ? La chirurgie esthétique peut-elle suffire pour guérir une « maladie » ? Au fil des années et après être intervenus sur des centaines de patients d’origines diverses et dans différents pays, nous avons appris à voir le patient différemment en fonction de sa culture, de ses origines voire de son ethnie. En mission chirurgicale à l’étranger, nous avons appris que le concept du mot « guérir » ne nous appartenait pas et, surtout, que nous ne le comprenions pas toujours. Nous avons appris à prendre en charge le patient dans sa totalité. Le chirurgien plasticien traite la partie visible de la maladie et les thérapeutes locaux s’occupent du « corps invisible ».

En France, les choses sont identiques. Nous avons appris à traiter le patient dans sa globalité. Nous opérons sur le corps visible (rhinoplastie) mais nous essayons avant tout de comprendre la partie invisible de la demande. Nous avons appris à traiter cette partie invisible avec les thérapeutes locaux quand nous sommes dans le pays d’origine et nous travaillons avec les ethno-psychiatres quand nous sommes en France. Nous travaillons ensemble. Le patient sera « guérit » quand l’ensemble sera traité. Nous pensons qu’un patient demandeur d’une rhinoplastie ethnique devrait être pris en charge en fonction de ses origines et de sa culture. Nous définissons ainsi le concept d’ethno-chirurgie ou celui de chirurgie ethnique qui reste fondamental dans notre spécialité et notamment face à la demande d’une rhinoplastie. Opérer le nez du dehors ne suffit pas à résoudre la demande du dedans c’est-à-dire celle que le patient ne formule pas toujours précisément. La chirurgie esthétique harmonise la forme du nez mais l’ethno-chirurgie explique pourquoi le patient veut modifier ce nez. On en revient à la vraie finalité de l’acte thérapeutique et à la question fondamentale que tout plasticien devrait se poser avant de faire une rhinoplastie ethnique : Pourquoi ? Pourquoi veut-il modifier son nez du dehors ? Cette demande de modification s’intègre-t-elle dans une simple demande de rectification d’un nez disharmonieux ou veut-elle résoudre un malaise plus profond ? Pour être plus clair, une femme africaine au visage assez fin mais dotée d’un nez très épaté avec de très grosses narines disgracieuses bénéficiera favorablement d’une réduction des ailes de son nez pour harmoniser son visage. Il n’y a pas de problème ethnique derrière cette demande. A l’opposé, un problème d’intégration chez un Nord-Africain ne pourra pas être résolu par l’ablation d’une bosse sur un gros nez au profil chaotique. Ici, l’histoire du patient est fondamentale.

2- L’éthique en chirurgie esthétique :

Si « l’éthique, c’est l’esthétique du dedans » (Pierre Reverdy [1]), nous pensons que l’esthétique c’est l’éthique du dehors !

En effet, l’éthique en général essaye de répondre à une question fondamentale: comment faire au mieux ? Pour un médecin, le mieux est de guérir son patient. Si une intervention « soigne » un patient, on peut dire que cette intervention est éthique puisqu’elle a répondu au principe de « faire au mieux ». Si une intervention de chirurgie esthétique « soigne » un patient, on peut dire que cette intervention est éthique puisqu’elle a répondu au principe de « faire au mieux ». Si ce soin entre dans le cadre d’une demande ethnique, elle est éthique si elle essaye de faire au mieux c’est-à-dire qu’elle essaye de soigner le patient avec sa différence.

La notion de « dehors » fait référence à trois choses :

– l’idée du « dehors » rappelle, à propos de la rhinoplastie, « le nez du dehors » évoqué précédemment c’est-à-dire celui que l’on voit, que l’on présente. N’est-ce pas aussi cela une des finalités de la chirurgie esthétique : présenter son dehors ?

– la notion de « dehors » évoque aussi « en dehors » c’est-à-dire en dehors de ses croyances, de ses idées reçues et ses principes de thérapeute occidental.

– Le concept « en dehors » appelle, enfin, à regarder dehors c’est-à-dire l’autre… le patient est l’autre, il peut être vu autrement, et respecté selon ses habitudes thérapeutiques, ses référents culturels, etc…

 

Nous pensons même que toute action, toute création qui n’aurait pas une finalité esthétique ne devrait pas être éthique. Est-ce qu’un architecte fait sa construction pour qu’elle ne soit pas belle ? Est-ce qu’un chirurgien fait une suture pour qu’elle ne soit pas belle ? Est-ce que dans votre quotidien vous faites les choses pour que ce soit vilain ? C’est ainsi que nous avons imaginé le concept de « chirurgie esthéthique ». Cette idée propose d’associer les notions d’esthétique et d’éthique dans la chirurgie plastique mais cela sera développé dans un autre article.

 

En conclusion, la rhinoplastie ethnique peut être éthique si elle adhère au concept de l’éthique à savoir faire au mieux pour soigner le patient. Soigner un patient d’une culture différente, c’est respecter ses croyances, sa culture et sa façon de se soigner avec ses référents qui peuvent être différents du médecin. La rhinoplastie est une chirurgie du dehors ; il faut comprendre ce que veut « montrer » le patient. La rhinoplastie ethnique fait référence à une rhinoplastie qui modifie un caractère ethnique du nez ; il faut comprendre pourquoi le patient veut changer ce caractère spécifique. Ce changement ne doit pas être systématiquement rejeté au nom d’un quelconque principe d’ethnocentrisme. Il appartient au patient de choisir :

– Si un patient d’origine africaine trouve que son nez a des narines trop larges, que cela ne va pas avec son visage et que le chirurgien adhère au projet chirurgical : la rhinoplastie ethnique est justifiée.

– Si un patient de type asiatique présente un mal être voire des problèmes d’intégration et qu’il croit que la modification de son nez (ou l’européanisation de son regard) améliorera sa condition: la rhinoplastie ethnique ne sera pas éthique.

 

4 / la rhinoplastie ethnique dans notre pratique quotidienne.

La demande de rhinoplastie ethnique est particulière à Paris. En effet, chaque pays, chaque ville, chaque chirurgien reçoit et perçoit des demandes différentes de rhinoplastie. A Paris, la demande de rhinoplastie ethnique peut se résumer en trois demandes assez classiques :

– Le patient d’origine africaine qui demande une rhinoplastie pour affiner le nez dans son ensemble et pour réduire la taille des narines.

– Le patient d’origine asiatique qui demande la correction d’une ensellure nasale et parfois une réduction de la taille des ailes du nez.

– Le patient de type maghrébin qui demande une réduction de la bosse de son nez.

 

A / Patient d’origine africaine [Photographies 1] :

La correction d’un nez de type Africain demande, en général, une rhinoplastie complète :

°de face : réduction de la largeur du nez par des ostéotomies, affinement de la pointe du nez par un gros travail de réduction des cartilages alaires voire d’affinement des tissus sous cutanés.

°de profil : élévation de l’arête nasale (pour réduire une légère ensellure) par une greffe cartilagineuse ou osseuse et ouverture de l’angle naso-labiale (pour relever la pointe du nez) par la pose d’un étai columellaire (greffe osseuse).

°plastie des ailes du nez : la réduction des ailes du nez se fait de deux façons :

– Soit par une réduction intra-narinaire permettant de placer la cicatrice à l’intérieur du seuil de la narine. La cicatrice est ainsi invisible mais la réduction est limitée.

– Soit par une réduction transfixiante de l’aile du nez permettant de placer la cicatrice dans le sillon naso-génien. La cicatrice peut être ici plus visible mais la réduction est efficace.

 

According my experience (cela veut dire que je n’engage que moi à travers ma modeste expérience sur le sujet) :

On arrive rarement à satisfaire entièrement ces patients car, les tissus étant épais, l’affinement du nez reste modéré. De surcroit, une européanisation trop importante du nez déséquilibra le visage. C’est pour cela que l’on reste en général tempéré dans la modification du nez (pour éviter le syndrome Mickael Jackson) mais cela ne plait pas toujours au patient. Il convient de bien définir les objectifs avant l’intervention et d’expliquer surtout les limites de ce genre de chirurgie.

 

B / Patient d’origine asiatique :

 

La correction du nez asiatique semble un peu plus simple car les tissus sont moins épais et la demande de modification plus modérée. La demande est généralement focalisée sur la correction d’une ensellure nasale (nez trop écrasé) plus ou moins associée à un relèvement de la pointe du nez et sur la réduction des ailes des narines.

– La réduction des ailes du nez s’effectue selon les mêmes principes que précédemment.

– Pour corriger l’ensellure, on peut utiliser des greffes cartilagineuses superposées ou osseuses selon l’importance de l’élévation désirée. Nous avons trouvé un bon compromis avec l’implant siliconé en « L » de Shirakabe qui permet en un seul temps de corriger l’ensellure et d’élever la pointe du nez. Il existe différentes tailles et l’implant peut être sculpté à la demande. La mise en place est simple ainsi que son ablation en cas de problème. L’inconvénient reste le risque de déplacement secondaire de l’implant ou son infection (mais comme tout implant).

 

According my experience :

 

L’implant de Shirakabe a l’avantage d’être une intervention simple qui joue le rôle d’implant dorsal et d’étai columellaire en même temps. Il peut exister néanmoins des problèmes de positionnement de sa base sur la région de l’épine nasale (luxation du pied de l’implant). Son ablation en cas de problème est facile et un retour à l’état antérieur aisément retrouvé. C’est pour cela qu’il est notre premier choix dans cette indication avant de proposer une intervention plus lourde avec greffe osseuse par exemple.

 

C / Patient de type maghrébin [Photographies 2]:

 

La correction du nez de type maghrébin pourrait se résumer à l’ablation d’une grosse bosse ou la correction d’une importante cyphose du nez. Cette bossectomie peut être isolée ou s’intégrer dans le cadre d’une rhinoplastie plus complète. Elle ne présente pas de difficulté particulière sur le plan technique.

 

According my experience :

 

Cette rhinoplastie est généralement bien comprise et ressentie chez la femme de type maghrébin. En revanche, l’indication est plus délicate chez l’homme où les problèmes d’intégration semblent plus prononcés et/ou l’acceptation par le reste de la famille semble plus compliquée. Par exemple, les filles cachent encore beaucoup leur désir de rhinoplastie à leur entourage avant l’intervention mais l’avoue généralement après. Chez l’homme, le secret doit être préservé et l’on sent (dans le discours des patients) une gêne persistante. Je dirai, en conclusion, que la rhinoplastie chez ce type de patient ne présente aucune difficulté particulière sur le plan technique mais que l’indication doit être prudente et bien comprise surtout chez l’homme.

 

Photographies

Rhino ethnique 1

 

1 a / Résultat avant et après : vue de face

 

Rhino ethnique 2

 

1 b/ Résultat avant et après : vue de profil

 

Rhino ethnique 3

 

 

1 c/ Résultat avant et après : vue par dessous

 

Photographies 1 :

Résultats avant et après une rhinoplastie ethnique de type africain avec réduction de la largeur du nez, ouverture de l’angle naso-labial et réduction de la taille des ailes du nez.

 

 

 

Rhino ethnique 5

 

Photographies 2 :

Patiente de type maghrébin présentant une cyphose nasal importante. Photographies avant et une année après une rhinoplastie simple d’harmonisation de profil.


[1] Pierre Reverdy (1889-1960). Dictionnaire des citations françaises. Edition Larousse, 1995: page 496.

 

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