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Prise en charge des séquelles de brulure en zone rurale dans les pays en voie de développement

Introduction

Les brulures, et leurs séquelles, constituent un véritable drame pour les patients et elles représentent, par leurs nombres, un vrai problème de santé publique dans les pays en voie de développement. Elles sont fréquemment rencontrées en missions humanitaires. Selon notre expérience, ces séquelles représentent 25 % à 50 % de nos interventions chirurgicales pratiquées lors d’une mission en zone rurale.

Cet article présente les différentes séquelles de brulure observées en pratique courante et sur les différentes zones anatomiques. Il propose surtout une prise en charge adaptée à l’environnement particulier du dispensaire ou de la vie au village.

Matériel et Méthodes

Lors de nos missions, nous avons rencontré de très nombreuses séquelles de brulures et à différents stades. Leur prise en charge a été réalisée le plus souvent dans des conditions très sommaires tant sur le plan de l’environnement que sur les conditions opératoires. Le choix de la technique chirurgicale a été fait en fonction du patient, du contexte et des possibilités de suivi. Nous avons utilisé tout l’éventail classique des techniques de chirurgie réparatrice à savoir les greffes de peau, les plasties cutanées et les lambeaux. Nous n’avons pas proposé dans ce contexte l’expansion cutanée et la microchirurgie. Comme l’acte chirurgical, l’anesthésie s’est effectuée dans un environnement peu rassurant et elle a demandé la présence d’un anesthésiste expérimenté [1]. L’anesthésie loco-régionale a été préférée chaque fois qu’un seul membre était concerné. Une sédation voire une anesthésie générale a été associée quand cela était nécessaire. La prise en charge de la douleur a été systématiquement proposée dans la période postopératoire et pour les pansements.

Résultats

          Pour cette présentation, nous avons défini une fenêtre d’observations sur 10 années de missions (2003 – 2013) soit sur 30 missions chirurgicales. Nous avons fait sur cette période environ 1500 interventions. Les séquelles de brulure ont représenté 25 % des indications en moyenne soit 375 cas. Toutefois, et en fonction des missions, le pourcentage des séquelles de brulures a pu varier et atteindre 50 % des cas présentés. Nous n’avons pas observé de différence de sexe chez les patients en consultation. Nous avons observé une prépondérance d’enfants et d’adultes jeunes dans nos missions en zone rurale.

Les accidents domestiques ont représenté la principale étiologie des brulures observées au village. Une prise en charge initiale adaptée étant inexistante dans ce contexte, les rétractions ont été majeures. Les patients se sont présentés en consultations avec des rétractions invalidantes plus ou moins anciennes. Les enfants qui sont restés dans le foyer familial ont présenté un état nutritionnel satisfaisant. En revanche, nous avons observé chez les adultes handicapés par des séquelles de brulure des situations personnelles, et donc sanitaires, plus souvent dégradées.

Nous avons rencontré en mission qu’occasionnellement des patients en phase aigüe de brulure. Les accidents professionnels ont été encore plus exceptionnels dans ce contexte mais généralement plus graves.

Des séquelles cutanées ont été systématiquement observées après une brulure. Toutes les régions anatomiques ont été concernées avec néanmoins une prépondérance des lésions au niveau des membres et surtout de la main. Dans notre casuistique, les brides séquellaires au niveau du membre supérieur ont concerné environ 70% de nos indications. Les brides cicatricielles avec un réel retentissement fonctionnel ont été observées au niveau de la région cervicale, de la région axillaire, du coude, du poignet, des doigts, du genou et de la cheville. Au niveau articulaire, la bride rétractile a souvent été associée à un placard cicatriciel environnant. Seule la région axillaire, la face antérieure du coude et la face postérieure du genou ont parfois présenté une bride rétractile avec de la peau environnante relativement respectée. Nous avons rencontré dans notre expérience de missions rurales peu d’articulations enraidies. Seule une rétraction ancienne a nécessité une arthrolyse concomitante. Pour finir, et dans notre expérience, nous avons rencontré une grande demande de réparation à visée esthétique de la part des patients.    

Nous avons utilisé les techniques classiques de chirurgie plastique. Les brides simples ont été sectionnées. Les placards cicatriciels ont été excisés. Les pertes de substance ont été systématiquement fermées. Suivant la région, nous avons le plus souvent associé des greffes de peau et des lambeaux cutanés locaux. Pour les grandes surfaces, nous avons fait des greffes de peau mince et des greffes de peau totale. Pour les très grandes surfaces nous avons parfois fait des greffes de peau mince en filet. Une bride avec de la peau saine environnante a répondu à des plasties en « Z » ou à des plasties « en trident ». Quand la rétraction était associée un placard cicatriciel, nous avons préféré une plastie en « IC » ou une plastie en « Z asymétrique ». Quand la demande en greffe de peau mince était étendue, le site du prélèvement a été la cuisse. Quand le besoin en greffe de peau totale était également important, nous avons préféré le prélèvement dans la région du sillon abdominal inférieur. L’anesthésie loco-régionale a toujours été privilégiée. Une sédation générale par Kétamine ou une anesthésie générale a été proposée chez l’enfant quand le prélèvement d’une greffe de peau concomitante a été nécessaire.

Nous n’avons pas noté plus de complications, et notamment infectieuses, que dans notre activité chirurgicale française. La kinésithérapie a été inexistante en postopératoire par manque d’agents de santé formés. En revanche, nous avons noté une très forte capacité d’auto rééducation chez les adultes par la reprise du travail et, surtout, chez les enfants par le jeu.

Le suivi à long terme a été difficile à apprécier réellement mais l’amélioration postopératoire immédiate a le plus souvent été probante. Les photographies avant et après l’intervention ont été systématiques et elles ont confirmé le sentiment d’amélioration clinique immédiat.

Discussion

          Pour mieux répondre à la demande en soins des zones rurales, nous avons fait le choix depuis une vingtaine d’année d’aller travailler en dispensaire. Cela nous a permis d’apporter des soins aux patients qui, et nous le savons, n’ont pas les moyens d’accéder aux hôpitaux [2].

          Il est actuellement impossible de donner des chiffres précis dans ces pays en voie de développement mais l’expérience de terrain nous a indiqué que les séquelles de brulures sont un véritable problème de santé publique [3].

          Tous les âges ont été concernés par les séquelles de brulures mais les enfants et les adultes jeunes ont été très nombreux dans ces zones rurales. Nous expliquons cela par l’étiologie de la brulure qui est principalement domestique avec notamment le foyer traditionnel qui se trouve à l’intérieur de la case. D’autre part, les adultes se sont moins présentés à la consultation car ils ont souvent d’autres priorités comme le travail aux champs et les récoltes. L’adulte s’est généralement adapté à une rétraction ancienne et ne peut pas toujours se permettre d’arrêter de travailler. Il a donc existé un biais de sélection lors de nos consultations aux villages. Tous les patients ne se sont pas présentés.

          Dans cet environnement rural, seuls les tradipraticiens peuvent intervenir initialement. La plupart applique divers substances (onguents, cataplasme, terre) ou diverses structures (compresses, tissus) complètement inefficaces voire dangereuses. Je n’évoque pas le dentifrice tant il est communément appliqué par les patients en Afrique ou les feuilles de banane à Madagascar qui pourraient avoir des propriétés cicatrisantes. Nous comprenons le rôle des thérapeutes traditionnels qui, finalement, sont les seuls à apporter un peu de réconfort à ces patients complètement démunis et isolés. Nous voudrions simplement qu’ils évitent d’aggraver la cicatrisation par des applications inappropriées et qu’ils se contentent de laver la plaie avec de l’eau et du savon.  Nous leur proposons également d’immobiliser le membre en position de fonction chaque fois que cela est possible.  

L’automédication en antalgiques, voire en antibiotiques, est un réel problème aujourd’hui dans les pays en voie de développement. Les faux médicaments représentent de surcroit un vrai fléau sur les marchés des villages de l’Afrique sub-saharienne [4].

L’absence de prise en charge des brulures a favorisé des rétractions maximales. La douleur isole le patient qui reste prostré et en position de rétraction maximale. Le patient finit par cicatriser mais il présente d’inévitables rétractions invalidantes. C’est souvent à ce stade qu’il nous a été présenté. Le jeune âge est resté paradoxalement un point positif dans certains cas. L’enfant jouant beaucoup, la mobilisation des articulations a pu engendrer une expansion cutanée secondaire. Il n’a pas été rare de voir des brides au niveau du creux axillaire et du coude chez l’enfant associée à une expansion de peau saine environnante. Cela a facilité la correction secondaire de la bride rétractile par des lambeaux locaux. Chez l’adulte, nous avons moins observé d’expansion secondaire de la peau. L’adulte a plutôt adapté son handicap aux gestes de la vie courante et nous avons observé plus souvent des zones très fibreuses sur les points d’appui. Cela a compliqué les plasties locales. 

En présence d’une bride cutanée rétractile séquellaire, la chirurgie nous a semblé être la solution la plus efficace et, cela, même en zone rurale. Bien que l’environnement n’ait pas été idéal pour faire de la chirurgie, nous avons toujours observé un réel bénéfice pour les patients. Nous avons privilégié les techniques fiables avec un seul temps opératoire et qui proposent des suites simples [5]. Les pertes de substances observées après la libération des brides ont souvent été plus importantes que ce qui était prévu en consultation. Nous conseillons donc d’anticiper et de prélever beaucoup de peau pour faire les greffes de peau dans ce contexte. C’est pour cela que nous avons privilégié le prélèvement cutané abdominal inférieur qui a permis d’apporter beaucoup de peau avec des suites simples. Il a également l’avantage de laisser une cicatrice quasiment invisible. Selon notre expérience, nous n’avons pas noté plus de complications et notamment infectieuses dans cet environnement. Nous avons pu comparer avec les missions humanitaires effectuées dans les centres hospitaliers des mêmes pays. Nous pensons qu’il y a plus de risques infectieux dans les centres hospitaliers qu’en cases de santé. De surcroit, les germes rencontrés en zone rurale ont été très sensibles aux antibiotiques de base.

Nous avons toujours orienté nos techniques en fonction du patient et de l’environnement. En pratique, nous proposons maintenant de discuter nos indications en fonction des différentes régions anatomiques. Nous proposons surtout de focaliser notre discussion sur les particularités de nos indications dans ce contexte particulier.

 

  • Séquelles de brulure au niveau du scalp :

Au niveau du scalp, nous avons surtout observé des pertes de substance anciennes et en cicatrisation spontanée négligée. Après des soins locaux efficaces, une greffe de peau mince a souvent permis d’obtenir une cicatrisation plus rapide et une couverture cutanée de bonne qualité.

 

  • Séquelles de brulure au niveau du cou :

Dans cette localisation, et surtout dans cet environnement, nous avons proposé soit des plasties cutanées locales pour les brides localisées soit une grande excision du placard fibreux cervical antérieur suivie d’une greffe de peau totale. Cependant, et avec du recul, nous avons souvent été déçu sur le résultat à long terme (rétraction secondaire). Aujourd’hui, nous conseillons d’associer à la greffe de peau totale une compression ou une minerve cervicale pour le moyen ou le long terme. Il est toujours possible de trouver localement un tailleur et du tissu adapté pour fabriquer un vêtement compressif type « Presslift ». Nous ne conseillons pas le lambeau musculo-cutané de grand dorsal en dispensaire.

   

  • Séquelles de brulure au niveau de la face :

Les séquelles à ce niveau n’ont pas présenté de particularité et nous avons préconisé l’association de greffes de peau totale respectant les unités esthétiques et des lambeaux locaux. Les patients avec des greffes de peau ont été programmé en début de mission pour pouvoir faire le premier pansement dans de bonnes conditions.  Dans nos missions en dispensaire, nous avons préféré les techniques avec un seul temps opératoire. Cependant, et si une deuxième mission a pu être prévue sérieusement, nous avons pu envisager un lambeau avec son second temps de sevrage comme le lambeau frontal. Nous rappelons que cette solution, en zone rurale, doit rester exceptionnelle tant les aléas pour revoir un patient restent fréquents.

 Séquelles de brulure du thorax :

Dans notre expérience, nous avons rencontré surtout des placards fibreux sans réelle rétraction. Dans ce contexte, nous avons proposé l’expectative. Cependant, la moindre bride pourra répondre à une plastie cutanée locale. La quantité de peau saine environnante est généralement suffisante.

 

  • Séquelles de brulure du creux axillaire :

 

Il s’agit d’un grand classique de la séquelle de brulure dite humanitaire. Généralement, la bride a très bien répondu à une plastie en trident voire à l’association de plusieurs plasties en Z. Nous avons observé une spécificité chez l’enfant brulé qui présente souvent une bride axillaire associée à une expansion cutanée environnante [Photographie 1]. Dans ce cas, l’excédent cutané produit a facilité la pratique d’une grande plastie en Z.

 

  • Séquelles de brulure du coude :

Dans nos missions, nous avons surtout observé des séquelles de la face antérieure du coude sous la forme soit d’un large placard cicatriciel soit d’une grande bride rétractile.

+ Bride rétractile : Ici, également, nous avons souvent été agréablement surpris par la présence de peau saine expansée autour de la bride et notamment chez l’enfant.

Nous avons expliqué la faible étendue de la brulure par le réflexe naturel de protection que l’on oppose devant une projection brûlante. Le fond du pli articulaire est alors épargné.

+ Placard cicatriciel : Chez l’adulte, et devant un placard, nous avons conseillé d’éviter les petites plasties cutanées locales et nous avons préféré l’excision complète de la zone séquellaire associé à des greffes de peau. Celles-ci peuvent être totales au niveau du pli et minces en périphérie. Devant une exposition importante des éléments vasculo-nerveux, nous avons préféré le lambeau de grand dorsal en ilot et en un seul temps opératoire. Chez l’enfant, nous avons raisonné de la même façon en proposant l’excision complète du placard associée à des greffes de peau. Quand les conditions de prise en charge ont été moins favorables, nous avons préféré simplement sectionner la bride et interposer de la peau saine avec une plastie cutanée locale (lambeau IC ou plastie en Z asymétrique). La mobilité spontanée chez l’enfant a permis une expansion secondaire de cette peau saine. Le résultat est souvent surprenant.

   

  • Séquelles de brulure du poignet :

Dans cette localisation, nous avons proposé deux critères pour poser notre indication : l’ancienneté de la rétraction et l’environnement.

+ Indication en fonction de l’ancienneté de la rétraction :

Devant des séquelles anciennes, avec des rétractions capsulo-ligamentaires et des déformations osseuses associées, nous avons préféré l’expectative en dispensaire. Il a toujours été risqué d’exposer une articulation dans cet environnement voire de pratiquer des ostéotomies.

A l’opposé, nous avons toujours libéré un poignet souple dont les amplitudes ont été limitées par une bride cutanée relativement récente. Nous avons cependant attiré l’attention sur l’importance de la perte de substance produite par la libération chirurgicale d’un poignet et par l’exposition fréquente des structures nobles sous-jacentes. Dans ce cas, un lambeau s’est souvent imposé. Nous avons toujours été satisfait par le lambeau inguinal qui a l’avantage d’être très fiable dans ce contexte et facile à faire. Il a eu cependant l’inconvénient de nécessiter un deuxième temps opératoire au bout de trois semaines. Dans notre expérience, nous avons toujours trouvé un agent de santé ou un confrère local pour ce temps de sevrage qui est resté assez simple. Cela a pu sembler surprenant mais l’expérience de terrain a pu l’attester.

+ Indication en fonction de l’environnement : 

L’environnement a été primordial pour poser l’indication. Si un lambeau fiable n’a pas été possible pour couvrir une articulation exposée, nous avons toujours conseillé de ne pas intervenir. Cependant, et devant certaines rétractions majeures avec « accolement » de la face dorsale de la main sur l’avant-bras nous avons trouvé une alternative [Photographie 2]. Dans ce contexte nous savions qu’une reconstruction complexe n’était pas envisageable mais nous avons appris que le redressement du poignet a toujours été bénéfique pour le patient. Nous avons donc « poussé » nos indications tout en sachant que le résultat fonctionnel ne serait pas parfait. Sous anesthésie, nous avons sectionné la bride dorsale au bistouri froid et nous avons redressé le poignet par des tractions manuelles progressives [Photographie 3]. Nous avons pu obtenir une extension totale du poignet sans exposition de l’articulation. Nous avons pu faire une greffe de peau totale pour couvrir la perte de substance [Photographie 4]. Une attelle antérieure a parfois été mise en place pour maintenir le poignet en position « intrinsèque plus ». Le résultat n’a pas été parfait sur le plan fonctionnel (raideur du poignet) mais la main en meilleure position a facilité la vie du patient et a amélioré l’esthétique du membre. Il s’agit typiquement d’une intervention qui a été adaptée à l’environnement précaire et qui a répondu à la demande du patient qui vit en zone rurale. Nous aurions raisonné différemment si nous étions en centre hospitalier.

 

  • Séquelles de brulure de la main et des doigts :

Au niveau de la main, nous considérons immédiatement l’ancienneté des rétractions et la possibilité, ou non, de faire de la kinésithérapie en postopératoire.

Nous libérons systématiquement les brides chez les enfants pour anticiper les déformations lors de la croissance. Les greffes de peau totale ont largement été appliquées au niveau des doigts. Nous avons préféré les greffes de peau intermédiaire pour la face dorsale de la main. Les commissures ont bien répondu aux plasties locales [6]. La capacité d’auto-rééducation des enfants a été un facteur favorisant et les résultats chez eux ont souvent été surprenants.

Pour les rétractions plus anciennes observées chez l’adolescent et l’adulte, l’absence d’une kinésithérapie efficace postopératoire a contre-indiqué beaucoup d’interventions. Il s’agit d’une option particulière mais nous l’assumons. Nous avons corrigé pendant des années des rétractions des doigts en associant une correction des brides, une arthrolyse voire la mise en place de broches articulaires temporaires. L’absence de mobilisation active et passive rigoureuse dans les suites n’a pas permis de conserver le bon résultat obtenu immédiatement. En pratique, et pour éviter des interventions inutiles, nous n’opérons plus les rétractions anciennes en flexion au niveau des doigts si le patient ne peut pas avoir un suivi sérieux. Nous contre-indiquons également toutes réparations tendineuses secondaires dans ces conditions. Il faut bien l’expliquer mais l’acceptation par le patient ou les agents de santé locaux nous a semblé difficile en pratique. Ils n’ont pas toujours compris l’importance de cette prise en charge postopératoire pour la pérennisation d’un bon résultat. En revanche, et chaque fois que cela a été possible, nous avons libéré les commissures par des plasties cutanées et nous avons traité les brides digitales quand c’était positif pour le patient. Nous avons utilisé l’arsenal classique des plasties cutanées, des greffes de peau totale et des lambeaux cutanés.

  

  • Séquelles de brulure du genou :

 Dans cette localisation, nous accordons également beaucoup d’importance à l’ancienneté des lésions.

 Nous avons toujours été agréablement surpris par la correction d’un flessum chez l’enfant. Quelle que soit la technique utilisée, l’auto-rééducation spontanée des enfants a favorisé l’extension secondaire du membre. Nous avons préconisé un lambeau local ou une greffe de peau totale sur le creux poplité et des greffes de peau mince sur le reste de la perte de substance. Une attelle postopératoire a souvent été favorable pour la période postopératoire. Nous n’avons pas essayé d’obtenir une extension totale lors de la première intervention (risque de lésions vasculaires sur les rétractions anciennes) [7].

Chez l’adulte, nous avons souvent été déçus par les lambeaux locaux. En effet, la section de la bride a souvent engendré une grande perte de substance. Les plasties cutanées locales n’ont pas été suffisantes pour couvrir l’ensemble de la perte de substance. Nous avons proposé un lambeau de rotation local type grande plastie en IC pour couvrir le creux poplité. Le reste de la perte de substance a été greffé avec de la peau mince.       

 

  • Séquelles de brulure de la cheville et du pied :

 En mission, nous avons surtout observé des séquelles cutanées sur la face antérieure de la cheville et du pied.

Au niveau de cheville, et en dispensaire, il a été difficile voire dangereux d’essayer d’obtenir une mobilité articulaire satisfaisante par arthrolyse sur un blocage ancien. Nous nous sommes contentés donc de sectionner la bride cutanée par une ou plusieurs plasties locales.

Au niveau de la face dorsale du pied, les séquelles se sont souvent accompagnées d’une rétraction en extension des orteils. Devant une rétraction récente avec des orteils mobiles, nous avons proposé la correction d’une bride par une plastie cutanée et la correction d’un placard fibreux par son exérèse suivie d’une greffe de peau intermédiaire. Nous ne réparons plus les rétractions anciennes des orteils. Il s’agit encore d’une option particulière mais nous l’assumons. En effet, la correction de telle déformation nécessite une grande libération cutanée et capsulo-ligamentaire suivie d’une reconstruction secondaire sophistiquée. La fixation des orteils redressés nécessite la mise en place de broches. Les suites seront donc délicates et les risques infectieux non négligeables. Nous avons donc préféré surseoir à de telles corrections d’autant que l’utilisation de chaussure ouverte dans ces pays chauds a toujours facilité le chaussage avec ces orteils déformés. Nous avons dans certains cas proposé l’amputation des orteils pour faciliter le chaussage éventuel et l’esthétique du pied. Cette solution a été systématiquement refusée localement et pour de raisons culturelles. Nous l’avons respecté.  

Conclusion

La demande en chirurgie réparatrice est très importante en zone rurale dans les pays en voie de développement. Les séquelles de brulures représentent, en moyenne, 25 % de nos cas rencontrés en missions. Elles concernent majoritairement le membre supérieur de l’enfant et de l’adolescent.

Nos techniques chirurgicales et nos indications se sont adaptées à la précarité de l’environnement et nous avons pu obtenir de bons résultats tant sur le plan fonctionnel qu’esthétique.

La prise en charge de la séquelle de brulure en zone rurale est, selon notre expérience, un véritable enjeu sanitaire pour ces pays. Elle reste possible en dispensaire avec les techniques classiques de chirurgie réparatrice. Elle améliore souvent, et à faible coût, une fonction altérée. Elle peut surtout transformer la vie de ces patients démunis et isolés.

  Références bibliographiques

[1] Antoine P, Knipper P. La pratique de l’anesthésie en situation précaire. Le Praticien en Anesthésie Réanimation, Vol 22, N° 1, Février 2018, Pages 44-58

[2] Knipper P, Antoine P, Carré C, Baudet J. Chirurgie Plastique Nomade : 1 ONG, 10 années, 30 missions. Annales de Chirurgie Plastique Esthétique. Volume 60, N° 3, Juin 2015, Pages 184-191

 [3] Foussadier F, Knipper P, Voulliaume D. Traitement des séquelles de brûlures en mission humanitaire. L’humanitaire en chirurgie maxillo-faciale et en chirurgie plastique, sous la direction du Pr Hervé Bénateau – Editions Sauramps Médical – Novembre 2018 – page 121-134.

[4] Plançon A. Faux médicaments. Un crime silencieux. Les Editions du Cerf, 2020. ISBN 978-2-204-13239-8

[5] Knipper P. Chirurgie Plastique en Situation Précaire : Concept 5F. Annales de Chirurgie Plastique Esthétique, Vol 49 – N° 3 – juin 2004, Page 306-313

 [6] Gachie E, Casoli V. Séquelles de brûlures des mains. Annales de chirurgie plastique esthétique, Volume 56 – N° 5 – Octobre 2011, pages 454-465 

[7] Sankale AA, Manyacka Ma Nyemb P, Coulibaly NF, Ndiaye A, Ndoye M. Les cicatrices rétractiles post-brûlures du membre inférieur chez l’enfant.  Ann Burns Fire Disasters 2010 Jun 30 – 23(2): 75-80.

           Légendes des photographies : 

Photographie 1 :Enfant malgache présentant une séquelle de brulure du creux axillaire droit avec une expansion secondaire de la peau environnante. Vues avant et après une plastie en Z.  

Photographie 2 :Vue préopératoire d’une adolescente tchadienne présentant une séquelle de brulure de la face dorsale du poignet gauche.

  

Photographie 3 :Vue peropératoire d’une adolescente tchadienne après la section de la bride et le redressement du poignet par tractions progressives. 

 

Photographie 4 :Vue peropératoire d’une adolescente tchadienne après greffe de peau totale sur la perte de substance de la face dorsale du poignet.        

                 

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